Diverses archives collationnées par Pierre d’Ydewalle ont été fortuitement redécouvertes par son fils Bertil.
Y figure notamment un jugement intitulé ‘Extrait de Registre de Délibération du Directoire Exécutif, publié le Treize Fructidor de l’An Sept de la République française’ (août 1799) concernant le chanoine Jean-Georges van Outryve.
L'arrêt du Directoire Exécutif déclare que le comportement de l'intéressé justifie qu'il soit mis fin à la décision de déportation qui avait été précédemment signifiée.
"Le nommé Jean-Georges van Outryve, ex-chanoine de Bruges, (...) s'est toujours comporté d'une manière paisible, a constamment donné des preuves de sa soumission aux lois et n'a jamais dirigé les consciences."
Antoine de Meester (en religion Dom Jean-Baptiste) s’appliqua à reconstituer les principales étapes de la vie quelque peu chahutée de ce chanoine.
Nous reproduisons ci-dessous cet article, qui figure également dans les archives de Pierre d’Ydewalle.
Jean-Georges van Outryve
... fils de Pierre-François van Outryve, né à Oostrozebeke en 1703, marié à Damme en 1736 avec Jacqueline de Krygher (1711-1764), dont il eut huit enfants, et mort à Damme en 1749 (Trésorier de la ville de Damme, Houcke et Monnickenrede)
... petit-fils de Josse van Outryve, né à Oyghem le 28 octobre 1678, marié (en secondes noces) le 30 avril 1721 avec sa cousine germaine Anne van Landeghem «dont il eut, comme du premier lit, cinq enfants, dont quatre morts en bas âge» (bourgmestre d’Oostrozebeke) et mort le 18 octobre 1764 à l’âge de 88 ans.
Jean-Georges van Outryve, né à Damme le 10 octobre 1741, avait reçu le nom de Georges en raison de l’amitié de ses parents pour le ménage de Jacques-Georges Dullaert-Knyf. Ordonné prêtre en 1767, il habitait avec ses deux oncles chanoines et obtint, à la mort de Josse, en 1773, de lui succéder au Chapitre de Saint Donat. Cette nomination lui fut accordée par une bulle de Clément XIV en 1774 (ACTA EPISCOPORUM BRUGENSIUM, tome 68, fol.91 & 96 aux archives épiscopales de Bruges).
Jean-Georges van Outryve, chanoine de Sainte Paraïlde à Gand, mais prêtre du diocèse de Bruges veut permuter sa prébende avec celle de chanoine de Saint Donatien en 1792. Cela ne va pas tout seul. L’évêque de Bruges, J.R. de Caïmo s’en explique dans une lettre au Gouvernement: van Outryve est un prêtre de bonnes mœurs, licencié en Droit de l’Université de Louvain, «mais sa science, soit en théologie, soit en Droit, est en dessous du médiocre».
Réfugié en Hollande avec son oncle Augustin et d’autres membres de sa famille, il était rentré en juillet 1794.
Il refusa, en 1797, le serment de fidélité à la République et de haine à la Royauté.
Oostrozebeke
Lorsqu’il mourut, âgé de 77 ans, le 4 février 1819, il habitait à Bruges, rue des Cordouaniers, au n° 8. Il eut un service funèbre à Ste. Walburge le 7, et l’enterrement eu lieu le 8, à la suite d’un autre service à Oostrozebeke, «in den kelder, voor het kruis».
Lorsqu’eut lieu la restauration de l’ancienne église d’Oostrozebeke, la famille fit placer une plaque qui rappelle sa mémoire, en même temps que celle de son oncle Augustin, et cette plaque timbrée de l’écu aux trois roses se trouve au chevet de l’église moderne. On y lit: «Hier ligt begraven den Weledele Heer Augustinus van Outryve, Fs Joos, overleden te Brugge 4 Febr.1819, oud 79 jaren. Die alhier naast hunne voorouders hebben begeert te rusten".
Fortune
Le chanoine Jean-Georges van Outryve avait une fortune énorme. Elle s’était accrue de divers côtés. Dès 1774, il avait une rente de 200 livres de gros à charge de Sr. Joannes de Bruyne qui était mentionné à charge de la succession de celui-ci. On a vu comment il avait été, de toute la ville de Bruges, le particulier le plus imposé pour la taxation de guerre du 21 août 1794: alors que son oncle Augustin déboursait 25.000 L., son frère Emmanuel 10.000, et ses nièces d’Ydewalle 8.000 L., lui seul était taxé pour 48.000 L. ; seuls le dépassaient dans l’ensemble du Franc de Bruges des abbayes : Saint-André, avec 61.632 L., et les Chartreux de Nieuport avec 55.200 L ….
Il lui aurait été difficile de camoufler ses revenus: déjà le 22 mars 1791 il avait contribué pour 500 Livres à 4%, ce qui lui donnait un revenu de 22.10.00, pour l’achat du terrain et la construction du cimetière général de la ville de Bruges, hors de la porte de Sainte Catherine, en exécution du décret-ordonnance de Joseph II. Cette mise de fonds doublait sa participation pour le même objet ; car déjà le 4 août et le 21 décembre 1790 il avait avancé, au même taux de 4%, 300 L. et 200 L. Il était donc intervenu à lui seul, pour 1.000 Livres dans la dépense totale, qui fut de 3.441.3.4 Livres soit pour près d’un tiers.
La déclaration de succession du chanoine Jean-Georges van Outryve, dont un exemplaire, relié en un imposant volume, reposait en 1952 chez Mr Raes à Oedelem, ouvrait les écluses de sa générosité pour chacun de ses héritiers.
Fondation familiale
Mais il n’avait pas oublié la Fondation Familiale, à laquelle il fit, par l’article XI de son testament, de larges donations. Les archives d’Ydewalle de Diest conservent ces stipulations et un volume de la gestion de cette fondation allant de 1819 à 1876, année de la suppression de cette œuvre intelligente, due à trois générations de la même famille et subrepticement anéantie par malversations (voir chapitre XIII, §2, p.29).
Jean-Georges érige une fondation à perpétuité de deux messes annuelles à dire, l’une pour le repos de son âme, l’autre pour ses parents. «Ces messes devront être dites avec solennité en l’église d’Oostrozebeke, l’une le jour anniversaire de sa mort (4 février), l’autre dans le courant du mois d’octobre (époque où la famille faisait un séjour à Oostrozebeke, et où les héritiers viennent encore actuellement voir leurs fermiers et toucher leurs fermages).
Il demande que soit remis chaque année, pour chacun des deux services, 1 florin 29 cents au curé, qui veillera à l’exécution de cette fondation, et en préviendra la famille en temps voulus. Il demande aussi qu’il soit donné à l’église d’Oostrozebeke une somme de 5 florins hollandais par an.
Il charge son neveu Eugène de l’exécution de sa fondation et fait avec lui un arrangement qui lui permettra de trouver les fonds voulus pour l’accomplissement de cette charge, et cela sur une de ses fermes d’Oostrozebeke, celle exploitée par Joseph De Volder. L‘acte de fondation fut passé devant le notaire Joseph Van Calllie le 18 mars 1820, enregistré à Bruges le 28 mars 1820, et inscrit au bureau des hypothèques à Courtrai le 26 mai de la même année.
Jean-Georges fut très généreux «pour les autres et pour les pauvres; mais le temps qui efface tout souvenir, nous met dans l’impossibilité de mesurer l’importance de ses charités»
(cnf. Les «Souvenirs» de Stanislas d’Ydewalle).
Dom Jean-Baptiste de Meester (+1978)