Association familiale van Outryve dYdewalle Familievereniging

Interview par Gérald HAYOIS, publié dans L’Appel (n° 400, octobre 2017)

Vincent Blondel a épousé Isabelle de Failly, fille d’André de Failly et de Godelieve Istas, petite-fille de Marie-Adeline d’Ydewalle et de Jean de Failly.

40 Vincent BlondelIngénieur puis professeur de mathématiques appliquées à l’UCL, Vincent Blondel, 52 ans, est devenu recteur de l’Alma Mater en 2014. Assumant « sans ambiguïté » l’étiquette de chrétien et de catholique, il défend une université ouverte à tous les étudiants, quelle que soit leur confession.

Dans votre jeunesse, des centres d’intérêt vous prédisposaient-ils à suivre des études d’ingénieur ? — Enfant puis adolescent, je rêvais d’être inventeur. Je me souviens que j’allais chaque année au salon des inventeurs à Bruxelles afin de découvrir les dernières créations. J’étais aussi très attiré par le métier d’instituteur. J’ai finalement fait des études d’ingénieur civil et, des années plus tard, je suis devenu professeur à l’UCL. Je me suis alors rendu compte que je réalisais d’une certaine façon mes aspirations de jeunesse puisque j’ai fait une carrière à la fois de chercheur et d’enseignant. Mais je n’imaginais pas me retrouver un jour recteur de l’UCL. Ma vie professionnelle s’est construite progressivement, dans la suite de mes études, de ma thèse de doctorat et des circonstances de la vie. Et, surtout, au contact de ceux qui m’ont inspiré et encouragé. — Votre environnement familial a-t-il joué un rôle important dans votre parcours ? — Certainement dans les orientations que j’ai prises. Mes parents ont eu quatre garçons de manière très rapprochée, en cinq ans. J’ai donc eu une enfance et une adolescence dans une grande proximité avec mes frères. Nous devions tous trouver notre place. Mes parents nous ont laissés fort libres dans nos choix de vie et de profession. Ils nous ont soutenus et encouragés à prendre notre vie en main et à dessiner notre propre destin. Aujourd’hui, nous nous trouvons tous les quatre dans des secteurs professionnels assez différents.

Où avez-vous vécu vos premières années ? — Je suis né à Anvers. J’ai fait le début de mes études en néerlandais lorsque mon père travaillait à la Métallurgie d’Hoboken (aujourd’hui Umicore). J’ai ensuite passé une partie de mon enfance à La Louvière quand mon père était à la faïencerie Boch Frères. Et enfin toute mon adolescence s’est déroulée à Bruxelles. J’ai donc connu successiveme nt un environnement en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.

Et vos études secondaires ? — Chez les Salésiens, à Don Bosco, à Woluwe=Saint=Lambert. C’était un des premiers collèges à mettre en œuvre le rénové. Nous habitions alors Anvers. Mes parents souhaitaient que je poursuive mes études en français et ma mère avait le sentiment que le rénové était adapté pour moi. Les deux premières années, j’ai logé chez des amis, puis mes parents sont venus habiter Bruxelles. C’était un collège ouvert, avec une grande diversité sociale des élèves.

41 Vincent BlondelVos études d’ingénieur en mathématiques appliquées vous ont inspiré une approche du monde particulière ? — J’avais une forte attirance pour les mathématiques et la physique. Celle-ci aide à comprendre le monde réel. Mon goût pour les mathématiques vient d’une attirance pour quelque chose qui dépasse cette réalité physique. J’aime beauté des mathématiques, leur côté esthétique. Elles sont pour moi une grande élégance qui, de manière mystérieuse, s’avère extrêmement utile pour décrire le réel. C’est un vrai mystère : pourquoi le monde se décrit-il si bien avec des mathématiques, dont on parle de « l’irraisonnable efficacité ».

Vous avez fait aussi un baccalauréat en philosophie. Cette discipline vous attirait ? — Elle m’est apparue comme une belle opportunité d’être exposé à quelque chose de différent par rapport à mes études principales. Les sciences naturelles posent des questions à caractère philosophique. J’étais très interpellé par la difficulté d’associer ,d’une part, le déterminisme auquel poussent les modèles mathématiques, l’action de la science qui vise à expliquer, à prédire. Et, d’autre part notre expérience humaine de liberté et la conscience que nous avons d’être libres de nos choix. Comment réconcilier ces deux visions ? C’est une question passionnante que j’ai pu alors approfondir.

Quel type d’étudiant étiez-vous ? — J’ai logé à Louvain-la-Neuve quatre ans et demi avant de partir en Erasmus. Comme étudiant, le fait de devoir alors vivre et gérer ma propre vie de manière indépendante m’a mis face à mes responsabilités. En dehors de mes études j’ai participé à la mise en place du kot à projet « Ingénieurs sans frontières », une ASBL qui existe encore. J’ai aussi été impliqué dans des mouvements de jeunes et j’ai fondé avec quelques amis une ASBL qui emmenait des enfants du juge en montagne. Cela a été des expériences humaines très fortes.

Après ces études d’ingénieur, vous faites une thèse de doctorat qui vous amène à séjourner à l’étranger… — J’ai vécu en Angleterre, en France, en Suède et, plus tard, aux Etats-Unis. Ce sont des périodes très particu lières, à la fois privilégiées, riches et instables, où il faut se définir et tenter de dessiner son futur. J’ai été professeur à l’Université de Liège pendant cinq ans avant de revenir à l’UCL. J’ai enseigné ce qu’on appelle les mathématiques discrètes, celles de l’infini démontrable. Ce sont les mathématiques des technologies de l’information.

Comment votre implication dans le devenir de l’université est-elle venue ? — J’ai découvert progressivement l’université dans ses multiples facettes en prenant des responsabilités dans mon unité, mon département, puis en devenant doyen de faculté. À chaque fois, ce sont aussi des proches qui m’ont encouragé à les prendre. J’ai de l’intérêt pour une bonne gestion de notre environnement professionnel et humain et pour défendre les intérêts des entités dont j’ai la charge. Depuis que j’occupe la fonction de recteur, ma vie de chercheur et d’enseignant est évidemment devenue très réduite, même si je conserve un cours de théorie des graphes.

Vous avez été élu recteur il y a trois ans sur base d’un projet stratégique de cinq ans. Comment voyez-vous la fonction ? — Le recteur donne une direction. Il est accompagné dans cette tâche par une équipe rectorale. Avec celle-ci, nous avons mis sur pied un plan stratégique, Louvain 2020, qui est l’ossature de ce que nous comptons faire pendant les cinq ans du mandat. Les axes principaux de ce plan sont d’abord d’offrir des formations de qualité et d’amplifier la recherche. Il s’agit aussi de renforcer le rayonnement international de l’université. Nous voulons également placer l’étudiant au centre de ce projet et intensifier les contacts régionaux. Le développement du numérique et des cours en ligne est une priorité. Autres axes : simplifier et optimiser l’organisation et valoriser les actions visant l’égalité des genres.

Une fonction prenante… — C’est un métier exigeant, tout comme pour les vice-recteurs et tous ceux qui font partie de l’équipe rectorale. Je suis heureux d’exercer cette fonction et de m’y consacrer entièrement, même si cela demande quelques sacrifices. Quand, comme c’est le cas, on peut le faire avec le sentiment de travailler collectivement, en s’épaulant, cela en vaut la peine.

42 Vincent BlondelLe projet de fusion entre l’UCL et l’Université Saint-Louis a suscité quelques réactions négatives dans le monde laïc qui craint un leadership de l’UCL. Que répondez-vous ? — Je crois que les craintes ne sont pas véritablement fondées. C’est un projet entre des acteurs qui ont déjà un grand nombre d’activités en commun et qui veulent travailler ensemble de manière plus intégrée pour plus d’effficacité. Ce n’est pas du tout un projet qui s’oppose à qui que ce soit, ni basé sur une assise confessionnelle. Ce n’est pas un projet catholique. Il a été approuvé à une très large majorité des deux côtés, à plus de 90%, et ne demande pas de moyens supplémentaires. L’offre de formation ne se trouvera pas modifiée. Je peux comprendre les questions mais les attitudes de craintes sont injustifiées dans un contexte où les universités en Belgique francophone sont toutes de qualité et se trouvent dans un cadre international qui représentent pour elles un défi majeur. Certaines préoccupations exprimées me paraissent parfois trop localisées par rapport à ce défi et pas en phase avec le terrain. Certains acteurs envisagent d’ailleurs d’autres types de rapprochement. Le président du conseil d’administration de l’ULB exprimait récemment son souhait d’une fusion avec la VUB. Ce serait aussi une réponse à ce défi international qui ne peut qu’être soutenue.

Dans le paysage universitaire international, quelle est l’originalité, la singularité de l’UCL ? — L’UCL et les universités francophones belges ont des missions différentes des universités anglo-saxonnes par exemple. L’UCL a six siècles d’existence, c’est rare. Elle doit trouver un équilibre entre une université de masse qui s’adresse très largement à toute la population avec des formations de qualité, et une université qui tient une très bonne place dans le concert international, en particulier en matière de recherche. Elle est ensuite ancrée en Fédération Wallonie-Bruxelles et a donc une responsabilité par rapport à la communauté qui la finance. Notamment en faisant des recherches qui peuvent ensuite être utiles sur le plan économique ou en alimentant la réflexion sur des enjeux de société.

L’UCL est catholique dans sa dénomination. — L’université a une histoire dont elle est l’héritière et qu’elle assume pleinement. Aujourd’hui, nous accueillons des étudiants de toutes les confessions et nous souhaitons qu’ils se trouvent tous bien au sien de l’université. En même temps, l’UCL porte une attention toute particulière à un certain nombre de valeurs et de traditions de solidarité, de liberté, d’attention aux autres, aux plus fragiles. Ces valeurs sont inscrites dans son histoire et émanent largement des évangiles. Personnellement, j’y suis attaché. Les questions sur le maintien ou non de la dénomination « catholique » se sont posées quand a été envisagé une fusion de l’UCL avec des institutions universitaires proches, à Namur, Mons et Bruxelles. Aujourd’hui, elle garde son nom d’Université catholique de Louvain. Mais dans le contexte de la fusion avec Saint-Louis, on a décidé d’utiliser comme dénomination UCLouvain plutôt que UCL, aussi pour éviter toute confusion à l’international.

Vous, à titre personnel, vous assumez l’étiquette de chrétien et de catholique ? — Oui, bien sûr, et sans ambiguïté. La dimension spirituelle est une dimension essentielle de ma vie mais elle est plus intime. Comme chacun, je me pose des questions sur le sens de la vie, auxquelles je n’ai pas toujours la réponse. Pour me ressourcer sur ce plan, j’ai la lecture, le contact avec la nature, des rapports humains privilégiés, ou des coupures par rapport au quotidien. Cette dimension spirituelle est aussi à développer dans la vie de tous les jours.

Il y a des gens que vous admirez, que ce soient des personnages historiques ou des anonymes ? — Je suis plus sensible à des personnes peu connues que je rencontre dans le quotidien et qui me touchent. J’admire les personnes attentives à la dimension humaine de la vie et qui l’abordent avec sensibilité et courage. Mon admiration va aux anonymes qui font face, avec un courage discret, aux difficultés de l’existence. Je vois beaucoup de personnes qui font preuve de cette qualité dans leur vie face aux difficultés de l’existence. Oui, c’est quelque chose que j’admire particulièrement.