Fille de Renaud de Failly et de Brigitte Martens, petite-fille de Jean de Failly et de Marie-Adeline van Outryve d’Ydewalle, Stéphanie de Failly est l'épouse de Christophe de Jamblinne de Meux et la maman d’Hortense, Marthe et Violette.
Elle nous conte ses années d'apprentissage comme jeune violoniste, la conquète d'un doctorat en musicologie suivie par la création de l'Ensemble Clematis.
Depuis ma plus tendre enfance, je savais que le violon ferait partie intégrante de ma vie. Jamais je n’ai rêvé d’être maîtresse d’école, pédiatre ou vétérinaire.
5ème de la fratrie, fille de surcroît, j’ai dû me tailler une place et me faire entendre d’une manière ou d’une autre... et ce fut la musique, mon langage principal.
A la maison, la musique a toujours été omniprésente. Mon père était passionné de musique. Il écoutait des cantates de Bach à fond la caisse depuis le salon sur un pic up grésillant. Mon grand frère Christophe que je suivais comme son ombre, s’est occupé de moi de façon magique. Nous étions (et sommes toujours) très complices. IL était le seul dans la famille à pratiquer le violon ; je voulais lui ressembler en tout point, donc, Cqfd, je jouerai du violon également.
Au fin fond du Condroz
Au fin fond du Condroz, dans les années 70, ce n’était pas simple de jouer du violon en étant si petite. Ma mère sans doute très amusée par ma détermination m’emmenait au cours de mon frère toutes les semaines. Au début, le professeur testait mon écoute et avec la complicité du conservatoire, j’ai pu accéder à des cours. Le directeur de cette école de musique a falsifié les documents de sorte que j’ai eu l’âge de 7 ans pendant 3 ans. Je devais aller au cours de solfège sans savoir ni lire ni écrire. J’avais des cours d’instrument tous les deux jours pendant 10 minutes. Mes parents ont été admirables pour les conduites interminables et les attentes de plus en plus longues dans la voiture. Je pense que si je n’avais pas « accroché », ils n’auraient tout simplement pas continué.
J’avais un tout petit violon adapté à ma taille, le plus petit je pense. Je me souviens que lors de mon premier petit concert, j’étais tellement contente d’être sur « scène » que je me suis mise à jouer toutes les reprises du morceau. Mon professeur qui s’est avéré un excellent pédagogue me laissait jouer n’importe quoi au début pour me familiariser avec l’instrument mais en sa présence, c’était exigeant et sans relâche. Ce qui fait que mon petit violon faisant partie de mon univers me suivait partout même dans la salle de bain, ou dans mon landau de poupée. Je ne l’ai jamais cassé.
Pendant des années de pratique, il a fallu gérer le quotidien autour de ce hobby de plus en plus prenant. Les gouters d’anniversaires et autres festivités du mercredi étaient passés à la trappe. Je suivais des cours de solfège, violon, musique de chambre, histoire de la musique et le dimanche matin, c’était l’orchestre. A 9 ans, je ne tenais même pas les deux parties du concert dans son intégralité, je m’endormais sur ma chaise avant la fin du concert alors que j’étais sur scène. On galopait dans la voiture entre l’école, les concerts, les concours, le conservatoire, les devoirs sur la banquette arrière de la voiture et les réveils difficiles. Ce n’était pas vraiment pesant vu que je n’avais rien connu d’autre et que cela fonctionnait sans trop de difficulté.
Je recevais beaucoup d’encouragements de toute la famille. Je me sentais soutenue surtout par les « vieux ». Toujours un petit mot, me demandant quelles étaient les œuvres que je travaillais. J’appréciais cette gentille écoute connaisseuse en face de moi. Ceux de ma génération me trouvaient sincèrement trop bizarre.
Carnegie Hall (New-York)
Au Conservatoire
A 14 ans, j’ai terminé ma formation à l’académie. Je suis restée encore une année chez mon professeur et en parallèle, je me préparais au concours d’entrée au conservatoire dans la classe de Véronique Bogaerts, lauréate de CMREB. Je suis donc arrivée à 15 ans, au Conservatoire Royal tout en poursuivant péniblement l’école dans cet horrible athénée de Huy au milieu plus que douteux. Il y avait des humanités musicales aménagées dans cette école et heureusement que mon père n’y avait jamais mis les pieds, il m’aurait retirée illico presto.
Je devais me réveiller tôt le matin pour prendre mon train à 5h29 pour suivre des cours de solfège, au conservatoire de Mons et continuer l’école à Huy jusqu’à des 20.00 du soir parfois. Pour y arriver, je devais fournir pratiquement 3 ou 4 heures de pratique de violon en moyenne. Travailler le son, les gammes, le répertoire. C’est un peu comparable à du sport de haut niveau.
Au bout d’un an, je n’arrivais plus à suivre en simultané les cours généraux et un cycle d’études supérieures. J’ai donc arrêté l’école. Je dois dire que ma mère a été géniale de compréhension et m’a suivie. La police a même débarqué à la maison parce que je ne fréquentais plus d’école. Encore une fois, ma mère est allée déminer le terrain auprès de l’inspecteur de la fédération wallonne pour défendre ma cause. A ce jour, j’ai un doctorat, deux masters et pas de diplôme de fin d’humanité.
J’ai suivi des master classes à Amsterdam en même temps que mes études au conservatoire.
Je travaillais comme étudiante à l’orchestre de la Monnaie ou de l’orchestre national de Belgique. A la Monnaie, il y avait Béjart, Mortier, la découverte du sida et des musiciens décimés par cette maladie. J’ai joué dans des tonnes d’opérettes à Roubaix sans oublier les studios d’enregistrement pour William Sheller, Lara Fabian, David Halliday et Patricia Kaas. Cela ne représentait pas grand-chose à mes yeux car mes idoles à cette époque étaient plutôt Chostakovitch, Rachmaninov et Brahms et leurs interprètes.
Un décalage social absolu
Il a toujours fallu composer entre mon niveau musical et mon âge réel. Je pense que c’était la plus grande difficulté. Vivre au milieu d’adultes, avoir ses premiers cachets à 15 ans et participer à des soirées rallyes. Un décalage social absolu et beaucoup d’incompréhensions de part et d’autre. D’un côté, fille à papa ; de l’autre, mauvaises fréquentations. J’étais cataloguée tout de suite. Je me sens souvent immigrée de milieu. Pas tout à fait artiste, pas tout à fait aristo !
Avec mes études, il n’était pas question de se fracasser les oreilles dans des discothèques ou de m’abîmer les tendons avec de l’alcool. Lorsque je vois des très jeunes précoces, tout me semble beaucoup plus facile aujourd’hui pour eux. Les parents sont soutenus, il y a des bourses aménagées. Dans les années 80, rien de tout cela n’existait. Les jeunes actuellement sont tellement plus intéressés également par ce qui les entourent.
Mon violon sur la scène du Koncerthaus à Vienne
Mariage, Tunisie, apprentissage du violon baroque
Ensuite j’ai rencontré mon mari et nous sommes partis vivre en Tunisie.
Christobal a été envoyé comme expat à Tunis. Je l’ai suivi et j’ai continué de prendre des cours en parallèle à Vienne avec le second violon du quatuor Alban Berg. Pas un enfant d’ambassade ne prenait pas des cours de violon avec moi. J’étais professeur du conservatoire de Sidi Bou Saïd et dès que le montant du billet d’avion pour Vienne était atteint, je m’en allais y prendre des cours. J’ai pu aussi jouer en soliste avec l’orchestre national de Tunis. Une sacrée épopée.
Après 3 années magiques dans notre maison à Carthage (à 100 mètres des ports puniques), notre Hortense sous le bras, nous sommes rentrés à Bruxelles.
Je travaillotais gentiment lorsque notre deuxième fille, Marthe, est née . Un soir, en pouponnant, je me suis rendu compte que je n’allais pas faire QUE cela. Une rencontre avec François Fernandez chez un ami luthier et un tirage à pile ou face. Me voilà embarquée chez Sigiswald Kuijken dans l’apprentissage du violon baroque.
Ça a été une révélation totale. Je me suis lancée dans un doctorat au conservatoire de Genève pour la spécialisation de la pratique musicale du XVIIème siècle.
Depuis 2002, mon doctorat en poche, je n’ai plus arrêté. J’ai créé mon ensemble Clematis uniquement pour pouvoir gérer les horaires de répétitions et pour être plus proche de ma famille. Je suis partie faire des tournées les plus incroyables possible mais cela sera pour la suite.
La grand-mère de Christobal a eu un premier prix de violon au conservatoire de Paris ; quand elle s’est mariée, elle a rangé son instrument dans sa boîte et a rempli sa vive d’épouse. A cette époque, c’était incroyable pour une femme d’obtenir un premier prix. Pour moi, il en était hors de question. Mon mari m’a toujours soutenue et suivie dans mes démarches artistiques saugrenues.
Mission jesuite en Bolivie
Pour conclure je souhaite préciser que pour moi, il faut réaliser ses rêves.
Ma famille est exemplaire.
Christobal m’a toujours laissée poursuivre ma carrière et sans cette base, je n’aurais jamais pu réaliser quoi que ce soit.
Nathalie de Failly
Ensemble Clematis
Pour plus d'infos concernant l'Ensemble Clematis et le programme des tournées de cet été: lien