Mes parents ont habité la maison du gouverneur à Bruges de fin 1944 à 1979.
Tous leurs enfants y ont grandi.
Géry, Didier, Carlos, Roselyne, Amaury, papa, Bertil, Axel,
Mamy, Pascale, Coninne, Sybille, Danielle, Hubert, Danielle
Habiter une demeure aussi imposante est devenu difficilement acceptable.
Un des salons devait avoir environ la superficie de la maison que j’habite actuellement….
Il y avait tout un parcours pour accéder de l’extérieur de la maison au salon du premier étage.
Nous descendions à la cave, remontions au rez-de chaussée et de là au premier.
Pour ma mère, handicapée, cela ne devait pas être évident.
Elle ne se plaignait pourtant pas. A cette époque il était inconvenant de se plaindre. Cela ne se faisait pas.
La cuisine se trouvait à la cave et ce n’est que bien plus tard qu’elle a été aménagée au premier étage et qu’un ascenseur a été placé.
Depuis la cuisine les plats étaient envoyés à la salle à manger du 1er étage par un monte-charge, manié au moyen d’un jeu de cordes. Le parcours était long et le résultat était que les plats arrivés à destination étaient bien souvent froids.
Bertil, Géry, Carine, Roselyne, Danielle, Axelle
Le soleil était le grand absent de cette maison. Il faisait presque partout sombre.
Cette maison demandait beaucoup d’entretien. Il y avait pratiquement en permanence un ou plusieurs ouvriers.
Heureusement le personnel était abondant.
Je me souviens particulièrement de Joseph, Alfred, Arsène et Dominique.
Joseph s’occupait du chauffage, à l’époque au charbon. Je n’ai jamais très bien su quelles étaient ses autres fonctions. J’ai toujours soupçonné qu’il se reposait beaucoup, sans jamais savoir où.
Alfred nous servait à table avec des gants blancs et en jaquette.
Arsène lui a succédé sans gants et sans jaquette. Il était d’un dévouement sans faille. Le pauvre ne semblait pas trop souffrir de l’autorité de mon père mais il était certainement écrasé par celle de sa femme.
Dominique était le plus drôle. Il avait des tas d’anecdotes à nous raconter sur la famille Baels qui nous avait précédés. Il nous racontait par exemple qu’il nettoyait uniquement le côté de l’auto par où Monsieur Baels entrait.
Ce personnel était proche de la famille. Il avait une belle vie, pas trop de travail et pas de stress.
Papa régnait avec autorité sur ce personnel et sur ses enfants. A l’époque l’autorité n’était jamais contestée. Contester l’autorité était inconcevable. Ma mère rendait certainement la discipline moins rigoureuse.
A la grande satisfaction de mes plus jeunes frères, il y eut au fil du temps un sérieux assouplissement des contraintes. Ce ne fut pourtant jamais la débandade. Nous n’avons pas connu mai 68.
Côté distraction nous avions un jardin pour nous défouler. Un jardin aussi grand au centre de Bruges est exceptionnel. Comme la plupart des enfants à cette époque nous n’avions pas beaucoup de jouets. Par contre nous invitions beaucoup nos cousins. J’ai eu d’interminables parties de ping-pong avec Beaudouin d’Ydewalle et François Kervyn.
J’ai gardé en mémoire avoir commis quelques bêtises.
Ainsi je me rappelle avoir enfermé mes trois sœurs et oublié de les délivrer. Pas drôle la réaction des sœurs et encore moins celle des parents. Ces derniers pardonnaient heureusement rapidement mes écarts.
Les réceptions au gouvernement étaient fréquentes.
Mes parents recevaient beaucoup de personnalités, entre autre : le roi Baudouin et la reine Fabiola, la reine Elisabeth d’Angleterre et Churchill…
Je me souviens en particulier de la visite de Churchill. Il était impressionnant. C’est le seul de toutes ces personnalités qui m’a fait un cadeau, cadeau que j’ai gardé précieusement.
Au Nouvel An il y avait chaque année une réception pour ceux qui avaient pignon sur rue à Bruges ou ses environs. Beaucoup de jeunes venaient pour mes parents mais certainement aussi pour mes sœurs.
Par manque de combattants ces réceptions ont été annulées une fois mes sœurs mariées.
Mes parents ont quitté le gouvernement en 1979 pour s’établir au Holmstuck à Saint-André.
Depuis leur départ, le palais gouvernemental est resté désespérément vide. Apparemment plus personne n’est pressé d’y habiter. Tout a une fin.
Axel d’Ydewalle
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